Transaction immobilière : Les erreurs juridiques les plus fréquentes à éviter !
- Stéphanie Cornelis

- 9 oct.
- 7 min de lecture

Acheter une maison ou un appartement est bien plus qu’un rêve personnel : c’est aussi un
engagement juridique et financier majeur.
En 2024, en France, 780 000 transactions de logements anciens ont été réalisées (source : Notaires de France, rapport 2024), ce qui témoigne d’un marché particulièrement dynamique… mais aussi complexe.
Or, selon de nombreuses études, une part significative des litiges immobiliers découle de contrats mal rédigés, de diagnostics incomplets ou encore de mauvaises informations juridiques.
Résultat ? Des ventes annulées, des procédures judiciaires longues, et parfois des pertes financières considérables.
Comme le rappelle le Conseil Supérieur du Notariat, « toute transaction immobilière doit être
abordée avec rigueur et anticipation afin d’éviter les contentieux postérieurs ». Pourtant, dans mon métier de formatrice spécialisée en immobilier et en droit, je constate que même les professionnels peuvent tomber dans certaines erreurs récurrentes.
Cet article de blog, rédigé Stéphanie Cornelis, a pour ambition de décrypter les pièges juridiques les plus fréquents pour sécuriser son projet.
Pourquoi les erreurs juridiques sont si fréquentes en immobilier ?
La complexité du cadre légal français
La législation immobilière française est dense et évolutive. Depuis la loi Hoguet (1970) qui régit la profession d’agent immobilier, jusqu’à la loi ALUR (2014) et plus récemment la loi Climat et Résilience (2021), les réformes s’accumulent.
Résultat : difficile, pour un vendeur ou un acheteur, de s’y retrouver sans soutien professionnel.
Par exemple :
- L’article L271-1 du Code de la construction et de l’habitation (www.legifrance.gouv.fr) fixe un délai de rétractation de 10 jours après la signature d’un compromis. Mais ce droit, encore mal connu des acheteurs, donne lieu à de nombreuses incompréhensions juridiques.
- Les obligations de diagnostics techniques (DPE, amiante, plomb, termites, assainissement) ont évolué régulièrement, rendant certains rapports obsolètes s’ils ne sont pas actualisés au moment de la vente.
Des acteurs multiples, sources de confusion
La complexité vient aussi du nombre d’acteurs impliqués :
- Le vendeur,
- L’acheteur,
- L’agent immobilier,
- Le notaire,
- La banque ou le courtier,
- Parfois un syndic, un diagnostiqueur, ou même un avocat selon les cas.
Or, chacun a ses responsabilités… mais elles ne sont pas toujours bien comprises. Dans plusieurs litiges, les tribunaux rappellent que le respect du formalisme juridique incombe à tous les signataires, et pas uniquement au notaire.
Un enjeu financier considérable
Enfin, les erreurs juridiques surviennent car la pression est forte. Face à un marché tendu (dans certaines métropoles comme Bordeaux ou Lyon), les acheteurs se précipitent et signent très vite, parfois sans avoir lu attentivement les clauses suspensives.
Pour rappel : En mai 2025 à Paris, le prix au m² s’établissait à 9 530 € (source : Chambre des Notaires de Paris). À ce niveau de prix, une erreur juridique peut coûter plusieurs dizaines de milliers d’euros !
Les principales erreurs juridiques lors d’une transaction immobilière
Le compromis de vente mal rédigé : une bombe à retardement
Le compromis de vente est souvent présenté comme une simple étape préliminaire avant la
signature définitive devant notaire. En réalité, il s’agit déjà d’un contrat ferme , qui engage
juridiquement les deux parties.
D’après plusieurs décisions de la Cour de cassation (3e civ., 21 octobre 2021, n°20-18.514), un
compromis mal rédigé peut entraîner la nullité de la vente ou obliger une partie à respecter les clauses à la lettre, même si celles-ci sont défavorables.
Les erreurs fréquentes :
- L’absence ou la formulation trop vague des clauses suspensives (par exemple : obtention de prêt, vente d’un autre bien, obtention d’un permis).
- Les délais de rétractation ou de financement mal fixés.
- Une mauvaise estimation de la surface habitable (loi Carrez).
Exemple concret : une affaire jugée à Bordeaux en 2020 a opposé un vendeur et un acheteur après l’oubli d’une clause suspensive relative à l’obtention du crédit. L’acheteur n’ayant pas obtenu son prêt, il a dû verser l’indemnité d’immobilisation de 10 % prévue initialement, faute de protection contractuelle.
La négligence sur les diagnostics techniques obligatoires
Les diagnostics immobiliers ne sont pas qu’une formalité : ils ont force légale et engagent la
responsabilité du vendeur s’ils sont incomplets ou erronés.
Depuis la loi Carrez (1996) puis la loi ALUR (2014), la liste s’est allongée :
- Diagnostic de performance énergétique (DPE, rendu opposable depuis juillet 2021)
- Amiante
- Plomb
- Termites
- Électricité et gaz (pour installations de plus de 15 ans)
- Assainissement non collectif
- Risques naturels et technologiques (ERNMT/ERP), etc…
Une étude du ministère de la Transition écologique (2022) montre que 18 % des DPE réalisés
présentent des anomalies. Et les conséquences peuvent être lourdes : un acheteur peut demander une baisse du prix ou même attaquer en justice si le bien ne correspond pas au classement annoncé.
Exemple : en 2019, un tribunal de grande instance a condamné un vendeur à indemniser l’acheteur pour fausse déclaration de performance énergétique.
Le financement non sécurisé – la clause suspensive oubliée
L’une des erreurs les plus dramatiques concerne le financement. Beaucoup d’acheteurs signent un compromis sans accorder assez d’attention à la clause suspensive d’obtention de prêt prévue par l’article L.313-41 du Code de la consommation).
Sans cette clause :
- Si la banque refuse le prêt, l’acheteur reste engagé.
- Il peut perdre jusqu’à 10 % du prix du bien en dommages et intérêts.
Référence utile : la condition suspensive doit mentionner : le montant, la durée et le taux maximal du crédit envisagé.
Les vices cachés : un litige classique mais redoutable
Un vice caché est un défaut qui rend le bien impropre à l’usage auquel il est destiné, ou qui diminue tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acheté ou l’aurait achetée à moindre prix s’il en avait eu connaissance.
Le vendeur est tenu de délivrer des produits exempts de vices cachés et, à défaut, doit garantir l’acheteur de ces défauts non apparents.
La garantie des vices cachés est prévue par l’article 1641 du Code civil. Elle concerne tout défaut “caché” rendant le bien impropre à son usage, comme :
- une toiture défectueuse,
- des infiltrations,
- un problème grave d’isolation,
- ou encore la présence de nuisibles.
Le problème, c’est que les acheteurs ne découvrent ces défauts qu’après l’acte authentique. Ils doivent alors agir rapidement devant le tribunal pour obtenir soit :
- la résolution de la vente,
- soit une réduction du prix.
Exemples de jurisprudence : un arrêt de la Cour de cassation (3e civ., 8 avril 2021) a reconnu
l’existence de vices cachés dans une maison vendue malgré des infiltrations anciennes et dissimulées volontairement.
→ Les erreurs liées à la copropriété
La vente d’un lot en copropriété implique de fournir une série de documents obligatoires (articles L721-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation) :
- Règlement de copropriété,
- Procès-verbaux des 3 dernières assemblées générales,
- Montant exact des charges,
- État daté établi par le syndic.
Une erreur classique consiste à négliger l’historique de contentieux de la copropriété. Un acheteur peut se retrouver dans un immeuble :
- en procédure judiciaire,
- lourdement endetté,
- ou en train de voter des travaux coûteux.
Exemple concret : à Marseille en 2022, une copropriété en difficulté financière a entraîné pour l’acheteur d’un studio une augmentation de charges de 200 %, faute d’avoir vérifié les PV d’assemblée.
Comment éviter les erreurs juridiques dans une transaction immobilière ?
Les risques existent, c’est un fait. Mais une transaction immobilière peut être totalement sécurisée si l’on adopte quelques réflexes simples et efficaces. Voici les principales stratégies :
S’entourer des bons professionnels
L’une des clés pour éviter les contentieux est de ne jamais avancer seul** dans une transaction immobilière.
- Le notaire : garant incontournable de la légalité, doit intervenir dès le compromis (et pas seulement à l’acte définitif). Certains acheteurs choisissent “leur propre notaire”, distinct de celui du vendeur, ce qui est parfaitement possible et sans frais supplémentaires.
- Le diagnostiqueur immobilier : il doit être certifié par un organisme agréé.
Lire et comprendre chaque clause du compromis de vente
Beaucoup de litiges naissent de compromis signés trop vite.
Pour sécuriser cette étape :
- Prendre le temps : il est recommandé de relire point par point avec le notaire avant signature.
- Vérifier les clauses suspensives : financement, permis de construire, vente d’un autre bien
immobilier…
Astuce : Utiliser une check-list de compromis de vente pour ne rien oublier. C’est un outil simple, mais extrêmement efficace pour ne jamais passer à côté d’une clause critique.
Anticiper le financement
Le refus de prêt est l’une des principales causes de litiges. Pour l’éviter :
- Mentionner dans le compromis une clause suspensive précise (montant, taux, durée du crédit).
- Faire valider le projet par sa banque ou son courtier avant même de signer.
- Prévoir un délai suffisant (souvent 45 à 60 jours) pour obtenir l’accord de prêt, afin d’éviter d’être en défaut.
Vérifier la conformité des diagnostics
Les diagnostics erronés sont une bombe à retardement. Pour les fiabiliser :
- Vérifier la date précise de chaque diagnostic.
- Vérifier la validité de la certification et de l’assurance du diagnostiqueur.
Approfondir l’analyse en cas de copropriété
S’il s’agit d’une vente en copropriété, il est indispensable de passer au crible les documents fournis :
- Lire les 3 derniers procès-verbaux d’AG pour identifier les travaux prévus ou les contentieux.
- Calculer le montant réel des charges de copropriété
- Vérifier l’existence d’un éventuel plan de sauvegarde (copropriété en difficulté).
S’informer et se former : la meilleure prévention
Savoir lire un compromis, comprendre un acte notarié, repérer une clause abusive : toutes ces compétences peuvent être acquises par la formation.
Éviter les erreurs dans une transaction immobilière n’est pas seulement une question de rigueur administrative, mais avant tout un gage de professionnalisme et de crédibilité. En prenant le temps d’anticiper les points sensibles, de vérifier scrupuleusement chaque étape et de rester transparent avec vos clients, vous renforcez la confiance et sécurisez vos opérations. Pour un professionnel de l’immobilier, c’est autant protéger les intérêts de ses clients que valoriser son savoir-faire. Ces bonnes pratiques constituent une véritable signature de sérieux et offrent l’opportunité de bâtir une relation solide et durable avec chaque client.


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